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samedi 5 octobre 2013

[Tuto] La théorie des couleurs

(inspiré de l'article écrit par Manuel "Manumilitari" SANCHEZ pour le magazine RAVAGE, modifié et publié avec l'accord de l'auteur)

"C’est quoi une couleur, comment ça marche? Fastoche comme question, c’est heuu, ben une couleur c’est heuuuu… de toute façon moi je peins tout en rouge, jaune et bleu ! " 
 

Cet article est un prélude à toute une série d’articles plus techniques qui aborderont pas à pas les techniques les plus fréquemment employées pour la peinture de figurines. Cet article assez théorique, qui peut vous sembler complexe à la première lecture, devrait vous faire prendre conscience que la peinture de figurines ne se limite pas à faire un joli dégradé. C’est aussi une affaire d’ambiance, de personnalité, de vie. Et tout cela passe par le choix des couleurs !

1. Généralités, comment aborder la couleur ?

Même si la plus grande partie des paragraphes qui suivent présentent la couleur de façon rationnelle, voire presque scientifique, ne perdez pas de vue qu'en pratique la sensibilité du peintre est aussi très importante

La première chose à faire avant de lire cet article est de vous débarrasser de vos préjugés et de regarder autour de vous avec un œil nouveau. L’observation est une clef primordiale pour le peintre. Si on vous demande "de quelle couleur est un arbre ?" Vous répondrez très probablement "Marron et vert, c’est une évidence" ! Pourtant en regardant par ma fenêtre, je vois un arbre au tronc gris clair et au feuillage vert de gris très froid, un autre au tronc gris chaud foncé et au feuillage presque violet et encore plus loin je vois un feuillage vert/jaune …

Observez autour de vous, les métaux, les tissus, les fourrures des animaux… Cela paraît tout simple et pourtant on se demande souvent comment peindre ces matériaux sur nos figurines alors qu'on passe quotidiennement devant des tonnes d'exemples et de sources d'inspiration sans même les voir. Faites donc un petit effort d’observation et d’analyse et vous vous ouvrirez un univers coloré infiniment riche. 

Maintenant que tu as ouvert tes chakras colorés mon frère, on va pouvoir passer à la théorie pure. Mais attention, dans un souci de simplification et de clarté, je ne m'attarderai pas forcément sur tous les détails pratiques ou sur certaines exceptions !


2. Définition d’une couleur

Chaque couleur est définie par trois données : sa teinte, sa clarté (ou valeur) et sa saturation.

La teinte est la notion la plus facile à comprendre. Nous nous demandons par là si cette couleur est plutôt verte, rouge, orange, etc.
 
La clarté est aussi plutôt simple à appréhender. Nous nous demandons si la couleur est plutôt claire ou plutôt foncée.
 
Avec ces deux données nous avons déjà pas mal d’informations : nous savons par exemple que nous regardons un rouge foncé ou un bleu clair. Mais il nous manque encore une information pour accéder à toute l’étendue de la gamme des couleurs : la saturation.

La saturation est le concept le plus dur à comprendre. Une couleur saturée est une couleur “vive” alors qu’une couleur désaturée est une couleur “terne”, qui se rapproche du gris.

Nous verrons plus loin qu’il est crucial de savoir utiliser le concept de saturation pour créer des harmonies colorées ou pour ombrer une couleur par exemple. On peut désaturer une couleur que l’on trouve trop vive de trois façons : 1.En la mélangeant avec du noir ou du blanc (mais attention, cela fait aussi varier sa clarté !) ; 2.En la mélangeant avec du gris de même clarté ; 3.En la mélangeant avec sa couleur complémentaire (voir plus loin).


3. Le cercle chromatique

Le cercle chromatique est un outil indispensable pour comprendre le fonctionnement des mélanges de couleurs et leur association.

Le cercle chromatique le plus basique (comme ci-dessus) présente uniquement les teintes des couleurs (présentation en cercle simple). Des cercles plus élaborés en 3D (que vous trouverez facilement sur le net) présentent en plus des informations de clarté ou de saturation voire les trois en même temps (présentation en sphère ou cylindre).

Pour composer un cercle chromatique, on pose tout d’abord les couleurs primaires. Les couleurs primaires sont les couleurs que l’on ne peut pas obtenir par mélange et à partir desquelles on peut obtenir toutes les autres couleurs. Elles sont trois : le jaune primaire, le bleu cyan et le rouge magenta. Attention, nous parlons ici de peinture, les couleurs de vos écrans de télévisions ou d’ordinateurs ne sont pas obtenues à l'aide de pigments mais de points de lumière rouges, verts et bleus qui ne se plient pas aux mêmes règles.
 
On dispose ensuite chaque couleur secondaire à côté des deux couleurs primaires à partir desquelles elles ont été obtenues. Les couleurs secondaires sont les couleurs composées par mélange de deux primaires. Elles sont trois : le orange (mélange de jaune et de rouge), le violet (mélange de rouge et de bleu), et le vert (mélange de bleu et de jaune). Nous pourrions aller plus loin en disposant les couleurs intermédiaires (obtenues en mélangeant une primaire et une secondaire) comme le jaune orangé par exemple, mais ce cercle simplifié est largement suffisant pour bien comprendre la théorie des couleurs et l'appliquer en termes de peinture de figurines.
 
Nous avons donc maintenant un outil permettant de comprendre comment obtenir toutes les couleurs, mais aussi de distinguer les couleurs froides, les couleurs chaudes et les couleurs complémentaires. Nous différencions les couleurs froides et chaudes en coupant en deux notre cercle. La moitié allant de vert à violet nous montre les couleurs froides. La moitié allant de rouge à jaune nous montre les couleurs chaudes. Le vert est une couleur classée dans les couleurs froides mais on appelle souvent un vert tirant vers le jaune "un vert chaud" et un vert tirant vers le bleu "un vert froid".

Le cercle chromatique permet enfin de reconnaître en un coup d’œil deux couleurs complémentaires. Deux couleurs complémentaires sont deux couleurs opposées sur le cercle chromatique. Par exemple, le rouge et le vert ou le bleu et le orange. La notion de couleur complémentaire est très importante. Comme nous l’avons vu plus haut, nous pouvons nous en servir pour désaturer les couleurs, ou comme nous le verrons plus bas, pour ombrer une couleur ou encore pour gérer un contraste coloré sur notre pièce.

N’hésitez pas à chercher sur le net un cercle qui vous convient et à l'imprimer pour l’avoir en permanence sous les yeux quand vous peignez.


4. Les 7 principaux contrastes colorés

Pour voir plein d'exemples de contrastes, je vous conseille de consulter cet article très complet écrit par Julien CASSES pour le magazine RAVAGE.

Voici une définition du mot contraste : Le contraste est une propriété visuelle qui permet de distinguer, dans une image, deux régions distinctes. Par exemple, dans une image en noir et blanc, un contraste fort est présent quand on a dans la même image des noirs très profonds et des blancs très éclatants. En revanche, on parle d’un contraste faible quand l’image est entièrement composée de gris très proches les uns des autres.
 
En peinture, on compte 7 contrastes colorés, donc 7 manières d’obtenir un visuel fort et marquant sur votre figurine. Toutefois, certains de ces contrastes peuvent donner des effets plutôt violents voire bariolés. A ces effets, nous préférerons donc souvent des effets de contrastes plus subtiles.

- Contraste de la couleur pure en soi : un contraste très violent est obtenu en utilisant des couleurs pures (à saturation maximale) côte à côte. Le contraste est encore plus marquant lorsqu'on associe des couleurs primaires saturées sur une même figurine. Je pense que c’est un contraste à éviter le plus possible en raison du résultat bigarré obtenu !
 
- Contraste de clair obscur : consiste à jouer sur la différence entre des zones très sombres et d’autres très claires. C'est une bonne façon d’amener du contraste dans votre pièce en jouant par exemple avec des ombres très profondes et des lumières très claires ou avec des zones de clartés différentes (peau claire et vêtements foncés par exemple).
 
- Contraste simultané : lorsqu’on pose un gris à côté d’une couleur saturée, ce gris paraît être légèrement teinté de la complémentaire de cette couleur. Ce qui signifie que si on place un rouge à côté d’un gris neutre, il semblera froid, un peu verdâtre. De la même façon une couleur froide paraît plus froide posée à côté d’une couleur chaude et inversement (voir contraste “chaud/froid”).
 
- Contraste chaud/froid : la juxtaposition de couleurs chaudes et de couleurs froides crée un contraste fort. Intéressant, mais difficile à utiliser en gardant une harmonie de couleurs.
 
- Contraste de qualité : une très bonne façon de faire ressortir des éléments particuliers sur sa figurine ou d’harmoniser certaine couleurs, le contraste de qualité consiste à juxtaposer des couleurs saturées et des couleurs désaturées. Ce contraste fonctionne seulement si les couleurs désaturées prédominent largement.

- Contraste de complémentaires : l’utilisation de couleurs complémentaires dans le même schéma crée un contraste très violent (rouge/vert ou jaune/violet par exemple) assez difficile à maîtriser et à harmoniser. Bien utilisé, ce contraste peut cependant donner une richesse et une profondeur inattendues à vos figurines. Il faut pour cela gérer avec précaution la saturation de votre peinture et l’étendue des surfaces occupées par les complémentaires. Mais attention, utilisées pures et en grande quantité, les complémentaires donneront à votre figurine autant de cachet que la façade d’une maison de bourgogne parée de ses plus beaux atours, nains de jardin et guirlandes clignotantes, pour les fêtes de Noël ;)

- Contraste de quantité : incontournable, à utiliser en combinaison avec certains autres contrastes, comme le contraste de complémentaire, de chaud/froid ou de qualité. Il consiste à opposer de grandes surfaces peintes d’une couleur, d’une température ou d’une saturation donnée à de petites surfaces peintes d’une couleur très différente.

Tout cela peut vous sembler assez abstrait et complexe, voyons donc ensemble comment mettre en pratique toutes ces notions pour peindre vos figurines de jeu ou de concours.

 
5. Mise en pratique de la théorie sur vos figurines
 
Avant de vous saisir de vos pinceaux, il est important de bien observer votre figurine et de lui trouver un caractère, une ambiance... Quelle personnalité a ce personnage pour vous ? Où évolue t’il ? Qu’est-il en train de faire ? Quelle heure est-il ? Le temps est-il couvert, clair ? Tout ceci doit transparaître par deux choses : le choix des couleurs et le socle.

Si vous n’êtes pas sûr de vous, vous pouvez utiliser une "recette" qui fonctionne plutôt bien : définissez une couleur principale pour votre figurine. C’est de cette couleur que seront les plus larges surfaces, ce sera la teinte dominante. Associez-lui ensuite une autre couleur, qui n’est pas sa complémentaire et qui s’harmonise bien avec elle. Vous l’utiliserez pour des zones moins larges. Enfin, trouvez une troisième couleur, qui peut être une complémentaire des deux précédentes, et qui peut être très saturée ou former un contraste fort avec les deux précédentes. Vous peindrez de cette couleur uniquement des petits éléments marquants (gemmes ou armoireries par exemple).

Voyons quelques exemples concrets :

- Paladin noir (peint par Manuel "Manumilitari" SANCHEZ) : Principaux contrastes utilisés : Chaud/froid, quantité, qualité. Le contraste chaud froid ( armure allant de bleu violet au marron/rouge ) et le contraste de qualité ( bleu des gemmes et des yeux opposé à l’armure plus terne ) sont utilisés pour donner l’impression d’une lumière basse et froide, dans une atmosphère hivernale et orageuse. Le contraste de quantité utilisé fait ressortir les touches bleues intenses et donne son caractère glacial et impitoyable au personnage.


- Magistrat du griffon (peint par François-Xavier "Fix" DELGENDRE)  : Principaux contrastes utilisés : chaud/froid. Un très bon exemple d’opposition de teintes chaudes (décor désertique, tons bruns et or de la figurine) et de teinte froides (bleu de la livrée). Cela rend bien le côté “étranger” du personnage à son environnement et renforce l’effet ensoleillé et caniculaire de la scène.


- Champion de l’empereur (peint par Thomas DAVID) : Principaux contrastes utilisés : contraste de clair obscure. Ici, Thomas David nous gratifie d’une figurine uniquement peinte en noir et blanc très efficace. Bien entendu, c’est seulement le contraste de clair obscur qui est visible ici. C’est donc un exemple parfait.


- Space marine Devastator avec Bolter lourd (peint par Manuel "Manumilitari" SANCHEZ). Principaux contrastes utilisés : complémentaire, quantité, qualité, clair/obscure. Je voulais une ambiance sombre, une scène de nuit, ou bien sous d’épais nuages noirs. J’ai essayé de rendre ceci en utilisant des couleurs très claires et saturées pour les lumières alors que le reste de la figurine est plutôt sombre et désaturé (contraste clair/obscur, contraste de qualité et de quantité). L’armure verte est systématiquement désaturée au marron rouge ; les rouilles et les ombres sont traitées de la même couleur pour enrichir la teinte et densifier la couleur (contraste de complémentaire). Les quelques tuyaux traînant à droite et à gauche sont aussi traités en rouge (contraste de complémentaire et de quantité).


- Vétéran Ultramarine (peint par François-Xavier "Fix" DELGENDRE). Principaux contrastes utilisés : Couleur pure, qualité. Un bon contre-exemple pour finir, comme quoi, ne prenez pas au pied de la lettre tout ce que je vous ai dit. Personnellement, je déconseillerai n’importe qui d’utiliser les trois primaires sur la même pièce (contraste de couleur pure), mais ici Fix arrive à rendre une très jolie pièce avec ce schéma GW classique. Le jaune est tout de même assez désaturé. C’est le socle, très terne, qui, selon moi, permet de tempérer la pièce (contraste de qualité) qui au final dégage une bonne ambiance et a un rendu très satisfaisant.


6. Idées d’exercices

Pour vous exercer un peu et apprendre à maîtriser les couleurs, vous pouvez essayer de peindre en vous fixant des contraintes particulières. Par exemple, préparez vous une palette avec uniquement les trois couleurs primaires, du noir et du blanc et essayez de peindre toute votre figurine en mélangeant ces couleurs. Un peu plus dur : avec les même contraintes que précédemment, fixez vous comme objectif qu’aucune partie de la figurine ne soit peinte en rouge, jaune ou bleu !


7. Conclusion

Je vous conseille d'essayer d'intégrer toutes ces théories petit à petit en relisant fréquemment cet article. Forgez-vous votre idée de la couleur progressivement, en tatonant avec les différents contrastes, et les couleurs. Il est aussi parfois très utile de chercher sur le net et sur la Galerie Cool Mini or Not des exemples de figurines qui vous plaisent et d'essayer de comprendre comment le peintre a utilisé et harmonisé les couleurs pour obtenir un résultat qui vous plait :) Une fois encore, faites vous plaisir en peignant, créez votre propre style et amusez vous ! 

Merci à Thomas David et à François-Xavier Delgendre (Fix) de m’avoir donné l’autorisation d’utiliser leurs figurines.